« L’Express » enquête sur « le vrai pouvoir de "La Voix du Nord" »

Dans son édition de jeudi 4 octobre, « L’Express » consacre un dossier de douze pages, diffusé sur le Nord-Pas-de-Calais, au « vrai pouvoir de "La Voix du Nord" ». Une publication appuyée par la mise en place d’affichettes dans les kiosques et une « une » régionalisée pour l’occasion.

Photo : Eric Pollet

A quelques jours de la publication de son enquête titrée « Le vrai pouvoir de la "Voix du Nord" », Jacques Trentesaux confie un regret : ne pas avoir pu interviewer la nouvelle actionnaire du groupe de presse, Aude Jacques-Ruettard (lire l’article), nommée en février dernier présidente du conseil de surveillance de VNI (Voix du Nord Investissement, le holding du groupe). « C’est un paradoxe, note le rédacteur en chef adjoint de L’Express au service Régions, elle a pris une fonction officielle, elle a présidé l’assemblée générale [de VNI] de juin dernier et malgré cela, elle continue de ne pas vouloir donner d’interview à la presse. » Par ailleurs actionnaire de GMH (Groupe Hersant Média), Aude Jacques-Ruettard, petite-fille de Robert Hersant, a surpris son monde quand son arrivée à La Voix du Nord a été annoncée. Selon Jacques Trentesaux elle a cependant « un vrai intérêt pour la presse ». Pour l’anecdote, elle a tenu à suivre sur le terrain des journalistes du titre. Des confrères de La Voix du Nord et de Nord Eclair se souviennent ainsi avec amusement qu’elle a accompagné un journaliste dans sa « tournée de faits-divers », auprès des services de police et chez les pompiers.

La façade de « La Voix du Nord » sur la Grand’ PLace de Lille. (Photo : Eric Pollet)

« Expliquer ce que beaucoup de lecteurs ignorent »

Armentiérois d’origine, Jacques Trentesaux « traîne encore beaucoup [s]es guêtres dans la région ». Ces derniers mois il est venu rencontrer une trentaine de personnes pour les besoins de son dossier : dirigeants présents et passés de La Voix du Nord, syndicalistes, anciens journalistes du titre, responsables politiques, économiques… « L’idée est toute simple : expliquer qui se cache derrière le libelle "Voix du Nord", ce que beaucoup de lecteurs ignorent. » Il s’est ainsi intéressé à « l’influence » et à « la force de frappe » du titre et du groupe. Avec quatre rachats effectués ces dernières années (1), c’est peu de dire que l’entreprise a alimenté beaucoup de rumeurs. « Il y a beaucoup d’aigreur, analyse-t-il, notamment chez les anciens, les "clausistes" (2), et donc beaucoup de rumeurs. Il faut faire la part des choses, en particulier sur la question de savoir si Rossel est là [dans le capital du groupe, NDLR] pour longtemps. » « Les journalistes parlent beaucoup mais il faut tout vérifier, comme d’habitude certes, mais en fait encore plus que d’habitude », n’hésite pas à ajouter Jacques Trentesaux.

« Il y aurait de quoi continuer »

Parmi les dirigeants passés de La Voix du Nord, le journaliste a contacté Jean-Louis Prévost, écarté de son poste de PDG peu de temps après le rachat par le groupe Dassault. Désormais installé à Beyrouth, d’où il signe des correspondances pour des journaux français, Jean-Louis Prévost a racheté l’année dernière l’hebdomadaire local L’Abeille de la Ternoise (à Saint-Pol-sur-Ternoise), soufflant littéralement le titre à son ancien journal. Jacques Trentesaux a cependant eu trop peu de place pour développer cet épisode. Tout comme il n’a pas pu s’attarder sur les questions récurrentes qui se posent sur l’avenir de Nord Eclair (3), alors même qu’il avait abordé le sujet lors de ses différentes interviews. Pour des questions de place, « j’ai dû faire des choix », explique-t-il. « Il y aurait de quoi continuer », assure le journaliste.
Il est d’autres ex-salariés de La Voix du Nord qui ont écrit des livres sur leur ancien employeur : Frédéric Lépinay (4) et André Soleau, ancien directeur général du groupe Voix du Nord (5), font partie des témoins sollicités. Quant aux dirigeants actuels, si Bernard Marchant, administrateur du groupe Rossel, Jacques Hardoin, directeur général de La Voix du Nord, et Jean-Michel Bretonnier, rédacteur en chef du titre, se sont prêtés à l’exercice de l’interview, Michel Nozière, président du conseil d’administration de Voix du Nord SA et président du directoire de VNI, n’a pas donné suite.

Selon les derniers chiffres de l’OJD, « La Voix du Nord » vend en moyenne 286.000 exemplaires par jour. (Photo : Gérard Rouy)

« La presse publie rarement des articles sur d’autres titres », remarque Jacques Trentesaux, qui sait bien qu’il n’aurait pas pu effectuer un tel travail lorsque son journal appartenait au groupe Dassault (6). Il avoue d’ailleurs qu’il n’est pas facile d’écrire « en quelque sorte [sur] des cousins » et s’attend à des réactions après la publication du dossier. « Il y a des choses qui ne vont pas plaire », prédit-il. La direction de L’Express aura par ailleurs un œil sur les résultats des ventes de ce numéro dans le Nord-Pas de Calais. En cas de succès, d’autres dossiers sur la presse régionale, publiés dans d’autres régions, pourraient suivre.

Ludovic FINEZ

(1) Depuis 1999, La Voix du Nord est passée successivement entre les mains du groupe belge Rossel, de la Socpresse, du groupe Dassault, pour finalement revenir, fin août 2005, dans le giron de Rossel.

(2) Les quatre rachats ont ouvert autant de « clauses de cession » aux journalistes du titre. Sur une rédaction, au départ, d’environ 300 journalistes, à peu près la moitié a décidé de la quitter. Tous n’ont pas été remplacés par de nouvelles embauches.

(3) Propriété du groupe Voix du Nord, le quotidien Nord Eclair a vu, ces dernières années, son périmètre se réduire sensiblement, avec la vente de ses trois éditions belges et la fermeture de rédactions locales à Villeneuve d’Ascq, Lens et Béthune. Sur les éditions de Lens et Béthune, les pages locales sont désormais fournies déjà montées par La Voix du Nord.

(4) Ancien journaliste à la rédaction locale de Lille, où il traitait notamment des affaires judiciaires, Frédéric Lépinay a signé « La Voix du Nord, histoire secrète » (lire l’article), paru en 2005 aux éditions Lumières de Lille, maison d’édition qu’il a créée à cette occasion.

(5) André Soleau a publié en 2006 « La Voix du Nord, la grande braderie » (éditions L’Harmattan). Il tient également un blog : www.andresoleau.com.

(6) Intéressé essentiellement par Le Figaro, Serge Dassault avait racheté l’ensemble du groupe Socpresse, mettant du même coup la main sur de nombreux quotidiens régionaux et sur le groupe Express-Expansion. Depuis, les titres régionaux ont été revendus à différents groupes. Pour sa part, l’ensemble Express-Expansion est désormais propriété du belge Roularta.


 

 

 

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