Pierre Mauroy au Club de la presse :
Levée de boucliers contre le projet de réforme des collectivités locales (video)

Le 8 octobre 2009, dans le cadre de ses débats d’actualité, le Club de la presse a accueilli Pierre Mauroy et des représentants des collectivités départementales et régionales du Nord et du Pas-de-Calais pour un débat sur les conclusions de la commission Balladur et sur le projet de réforme des collectivités locales que propose le gouvernement. Autour de l’ancien premier ministre ce fut l’occasion d’un débat passablement monocorde. Pour les élus présents on peut certes souhaiter des évolutions et M. Mauroy lui-même regrette que certaines réformes n’aient pu être entreprises y compris par les gouvernements de gauche. Mais la réforme, telle qu’elle s’annonce ne passe pas. Elle risque pense-t-on, de faire basculer les équilibres politiques régionaux.
Il reste au club de la presse à donner maintenant la parole aux défenseurs du projet qui sera bientôt débattu au Sénat et au Parlement.

Le comité pour la réforme des collectivités locales, plus communément appelé commission Balladur, a été crée par un décret du Président de la République le 22 octobre 2008. Il a été chargé de proposer des réformes pour simplifier les structures, la répartition des compétences et les financements des collectivités locales.

Pierre Mauroy, ancien Premier ministre et sénateur du Nord, membre de cette commission, était l’invité du Club de la presse le 8 octobre 2009 pour débattre des projets de réforme avec Bernard Roman, 1er vice-président du Conseil Régional du Nord-Pas de Calais, Patrick Kanner, 1er vice-président du Conseil général du Nord et adjoint au maire de Lille, Alain Fauquet, Conseiller Général du Pas de Calais, Olivier Henno, Maire de Saint-André et responsable régional du MODEM et Rémi Lefebvre, professeur à l’IEP de Lille.
Le débat, introduit par Philippe Schröder, président du Club de la presse Nord-Pas de Calais, a été animé par Régis Verley, vice-président du Club.

Une réforme mal engagée

« La décentralisation que je défends n’a rien à voir avec les réformes proposées par la commission Balladur  », c’est par ces mots sans détour que Pierre Mauroy résume son implication dans les travaux de la commission. Et pour cause, impliqué dès 1981 dans les débats sur la décentralisation, Pierre Mauroy a toujours milité en faveur du transfert de compétences de l’État vers les collectivités locales. Selon lui la décentralisation, au delà des problèmes administratifs qu’elle soulève, est une loi de liberté qui favorise la participation des citoyens, « c’est une conquête extraordinaire  ».

Rémi Lefebvre, professeur à l’IEP de Lille, Patrick Kanner, 1er vice-président du Conseil Général du Nord et adjoint au maire de Lille, Pierre Mauroy, ancien Premier ministre et sénateur du Nord, Régis Verley, vice-président du Club de la presse, Bernard Roman, 1er vice-président du Conseil Régional du Nord-Pas de Calais et Alain Fauquet, Conseiller Général du Pas-de-Calais

Ce mouvement n’est pas à mettre uniquement au crédit de la gauche, le gouvernement Raffarin a œuvré en son temps pour la décentralisation en inscrivant la notion de République décentralisée dans le préambule de la Constitution. Mais aujourd’hui « la décentralisation c’est fini, Nicolas Sarkozy va y mettre un terme. On recule, on recentralise même. C’est une régression sur le plan institutionnel, sur ce que l’État doit apporter au citoyen  » affirme l’ancien premier ministre.

Une menace pour l’avenir des collectivités locales

Certaines propositions de la commission Balladur inquiètent les différents intervenants présents. Premier motif de crainte : la suppression de la taxe professionnelle. Selon Pierre Mauroy, la taxe professionnelle est une avancée considérable pour les budgets des collectivités locales : régions, départements et collectivités territoriales. Et si l’on parle de sa suppression depuis la présidence de Jacques Chirac, l’ancien premier ministre rappelle que, malgré le travail de deux commissions, aucune solution de remplacement n’a été trouvée. C’est là que le bât blesse, comme le constate Bernard Roman : « 75% des investissements sont faits par les collectivités locales, il y a eu beaucoup plus d’investissement dans les collèges et les lycées depuis que les collectivités locales en ont la charge  ». Le premier vice-président du Conseil Régional se demande comment les collectivités pourront continuer à investir si on leur en enlève les moyens.

Alain Fauquet confirme l’importance de ce problème de transfert des ressources : « Il faut se révolter car les effets se feront sentir dès 2010. Les collectivités sont en train de travailler sur des budgets dont elles ne savent pas comment ils seront constitués  ».

Autre point d’achoppement, la «  clause de compétence générale  » qui fixe la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales. Pour Patrick Kanner «  Il faut des collectivités locales libres d’agir en fonction des besoins locaux  ». Opinion partagée par Pierre Mauroy : «  il ne faut pas empêcher les Régions d’innover. Il faut respecter les élus et non les museler. Des domaines tels que le sport, la culture sont l’affaire de tous  » poursuit-il. Selon lui, en proposant de créer 15 métropoles, la commission veut changer la répartition des compétences des conseils généraux pour, à terme, les supprimer.

Réforme des institutions ou calcul électoral ?

Interrogé sur le contenu de la réforme, Remy Lefebvre déclare ne pas pouvoir se prononcer car les tenants et les aboutissants n’en sont pas encore connus. Qui plus est le passage à la «  moulinette parlementaire  » peut ensuite largement modifier les propositions. Ce qui ne l’empêche pas de prédire quels en seront les effets réels, «  Encore une fois la réforme des collectivités locales ne va pas déboucher sur grand chose si ce n’est affaiblir le PS  ».

Régis Verley, vice-président du Club de la presse, Bernard Roman, 1er vice-président du Conseil Régional du Nord-Pas de Calais et Alain Fauquet, Conseiller Général du Pas de Calais

L’adoption du scrutin uninominal à un tour, la création des conseillers territoriaux auraient selon lui pour premier objectif de favoriser l’UMP lors des prochaines échéances électorales. Alain Fauquet y voit un choix stratégique pour changer la donne alors que « les Régions sont à gauche ainsi que la moitié des Départements et le Sénat risque de pencher à gauche également ». Une situation que Patrick Kanner résume en une phrase : «  La réforme veut reprendre sur le tapis vert ce que la droite n’a pas eu par les élections  ».

Un des objectifs de la réforme est de clarifier les institutions et diminuer les coûts, notamment en diminuant le nombre d’élus locaux. Si Rémy Lefebvre admet que la France souffre d’un «  empilement  » de quelques 550 000 élus locaux, selon lui il est fallacieux de dire que les coûts baisseront. En effet des élus ayant plus de responsabilités seront mieux rétribués. Olivier Henno y voit un risque démocratique. Véhiculer l’idée que la France a trop d’élus, qu’ils coûtent trop cher, montre une volonté de monter l’opinion contre ses représentants. Avec cette manœuvre on chercherait encore à défavoriser le PS, parti d’élus locaux, en détournant les électeurs des enjeux locaux et en nationalisant les élections locales. Pierre Mauroy dénonce le procédé  : «  Alimenter la charge contre les élus c’est alimenter la charge contre la République  ».

Une autre réforme est possible

Si les propositions de la commission Balladur semblent rencontrer une opposition forte, quel avenir pour les collectivités locales ? Faut-il les conserver, les rénover, en supprimer…. La France compte neuf niveaux institutionnels de décision. De ce constat tous les invités du débat tirent la même conclusion, il faut réformer nos institutions.

Patrick Kanner, 1er vice-président du Conseil général du Nord et adjoint au maire de Lille, Pierre Mauroy, ancien Premier ministre et sénateur du Nord, et Régis Verley, vice-président du Club de la presse

Pierre Mauroy juge que le Département et la Région sont deux assemblées dont les différences justifient de les conserver pour le moment. La première, proche de la population, gère les questions sociales, la seconde est une assemblée d’avenir qui peut porter les innovations. Ne pas les supprimer ne veut pas dire refuser de les faire évoluer. Les Départements ont changé : un tiers d’entre eux sont peu peuplés et dépassés pour traiter les problèmes ruraux qui se jouent aujourd’hui à Bruxelles estime l’ancien Premier ministre. Celui-ci propose depuis longtemps déjà de réformer les cantons et de mettre en place un scrutin départemental avec proportionnelle à deux tours. Calquer l’élection du Conseil Général sur celle du Conseil Régional permettrait de supprimer les cantons et de répondre à la question de la diminution du nombre d’élus. Une idée qu’il soutient depuis 15 ans…mais que le Parti socialiste a toujours rejetée.

Le MODEM s’est quant à lui déjà clairement prononcé en faveur de la suppression des Départements. Pour Olivier Henno ce choix répond à une nécessité de modernisation des élections locales, «  les citoyens doivent voter en fonction des intérêts locaux et non des clivages nationaux  ». Fusionner Département et Région serait l’occasion de créer une identité régionale forte, dont le champ d’action serait clairement identifiable par le citoyen et qui pourrait exister au niveau européen. Augmenter les pouvoirs des Régions mène naturellement à la proposition, à long terme, d’une évolution vers un modèle fédéraliste. Une proposition qu’évoque aussi Patrick Kanner comme une possibilité de «  sortie par le haut  » pour ce débat institutionnel.

« Il y a une unanimité sur le bien fondé de la décentralisation  » affirme Pierre Mauroy. Un avis partagé par les invités de ce débat qui sont favorables à une continuité du mouvement de décentralisation lancé dans les années 80. Ils se déclarent donc opposés aux réformes de la commission Balladur, opposition que formule Pierre Mauroy « Les élus doivent refuser cette loi rétrograde en préparation. Un grand combat doit s’ouvrir  ».

NB

Voir le site officiel de la commission

Télécharger le dossier Balladur
Dans le public (à gauche), Olivier Henno, Maire de Saint-André et responsable régional du MODEM et Philippe Schröder, président du Club de la presse Nord-Pas de Calais


 

 

 

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