Un cerf-volant multicolore qui laisse des traînées lumineuses dans un ciel d’encre, à quelques mètres au-dessus d’une plage de sable éclairée par des projecteurs. Il est toujours difficile de décrire une photo mais, très schématiquement, voilà ce que représente celle qui illustre la couverture de l’édition 2006 de l’Annuaire du Club de la presse, présenté jeudi 26 janvier. « Un vol de nuit aux Rencontres Internationales de Cerfs-volants », résume son auteur, membre de l’agence Asa Pictures. « Je ne savais pas trop comment rendre l’effet, visiblement cela est plutôt passé », commente-t-il rapidement. Sans oublier de faire « un clin d’œil » aux nombreux autres photographes qui ont concouru. Les membres du conseil d’administration du Club se souviennent que les départager n’a pas été chose évidente…
A l’intérieur de cet annuaire (pour la première fois en quadrichromie complète), les coordonnées de 181 journalistes, 146 communicants, 34 membres partenaires, 89 entreprises et 22 collectivités membres (1). Autant dire que l’Annuaire du Club est un vrai outil, pour gérer des relations presse mais aussi précieux pour les journalistes à la recherche de contacts. D’autant que le contenu s’enrichit d’un récapitulatif complet des médias de la région, de la presse belge francophone, des correspondants de titres nationaux présents dans le Nord-Pas-de-Calais, mais aussi d’adresses utiles (syndicats de journalistes, associations, consulats, etc.).
Délits d’opinion en Algérie
Pour cette soirée, le Club avait choisi d’associer deux invités. Tout d’abord Youssef Rezzoug, rédacteur en chef du quotidien algérien Le Matin, qui fait partie de la longue liste des journalistes algériens condamnés ces dernières années à de la prison ferme. Officiellement pour « diffamation », en réalité pour ce qui s’apparente à des délits d’opinion. Le journaliste explique que les articles incriminés concernent souvent « des enquêtes sur des malversations financières, sur des proches du président, des ministres, des potentats… » Rappelons que Mohamed Benchicou, directeur du Matin est en prison depuis l’été 2004 et que le journal ne paraît plus depuis cette époque.
Il y a encore quelques jours c’est Bachir El Arabi, correspondant du journal arabophone El Khabar à El Bayadh (sud-ouest d’Alger) qui était arrêté. Youssef Rezzoug a tenu à remercier le Club de la presse pour son implication, depuis de longues années, dans la dénonciation de la situation de la presse en Algérie. Il a aussi un conseil pour ses confrères français : « Ne considérez pas la liberté de la presse comme acquise ». « C’est cette vigilance qui nous a manqué à un moment en Algérie », analyse-t-il.
Soutien à Ingrid Bétancourt, Clara Rojas et « tous les séquestrés »
Juste après Youssef Rezzoug, Bernard Despierre est venu parler de la Colombie. Bernard Despierre est membre du comité de soutien à Ingrid Bétancourt, qui vivait ce 26 janvier son 1 443e jour de détention aux mains des FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes), « quelque part dans la jungle colombienne ». « La mobilisation pendant ces quatre années fait que, a priori, elle est vivante », commente-t-il. Une des premières actions a été de demander aux collectivités locales françaises de faire d’Ingrid Bétancourt une citoyenne d’honneur. Aujourd’hui, 1 500 collectivités l’ont fait à travers la France. Certes, le comité demande la libération d’Ingrid Bétancourt et de Clara Rojas, sa collaboratrice, mais aussi « des 3 000 otages » dans la même situation qu’elles en Colombie et plus généralement, « de tous les séquestrés dans le monde : militants syndicaux, simples citoyens… ».
Le 23 février, le comité de soutien donnera une fête à la Maison de la Nature et de l’Environnement de Lille (rue Gosselet), avec messages de soutien, films, concerts… Sur son site, le Club renvoie déjà depuis plusieurs mois vers le site consacré à Ingrid Bétancourt (2). D’ores et déjà, le président a proposé à Bernard Despierre que le Club s’investisse plus activement dans ce combat. Les actions précises restent encore à définir.
« La cinquième roue du carrosse »
Bien entendu, la situation en France n’a rien à voir avec celle de la Colombie ou de l’Algérie. Ce qui ne veut pas dire que tout soit rose, en particulier dans le monde de la presse. Concentrations, titres autrefois concurrents et aujourd’hui propriétés d’un même groupe, rédactions où le nombre de permanents se réduit comme peau de chagrin, pigistes et correspondants régionaux parfois considérés comme « la cinquième roue du carrosse » : Philippe Allienne s’est chargé de rappeler quelques-unes de ces réalités.
Il y a quelques jours, le rapport Lancelot sur les concentrations dans les médias, attendu depuis de longs mois, était d’ailleurs remis au Premier ministre. Son contenu a été dénoncé par les syndicats de journalistes. « Le professeur Alain Lancelot explique que le paysage médiatique français n’a pas atteint un degré de concentration alarmant, résume pour sa part Philippe Allienne. Tout en proposant une quinzaine d’aménagements pour renforcer la protection et la diversité de la presse, il affirme qu’il "n’existe pas de menace directe pour le pluralisme" des médias. » « Cela me laisse dubitatif », conclut-il.
Abandon complet des droits d’auteur
Dans le travail au quotidien, si les rédacteurs ont la vie dure, les photographes aussi. Certains se voient proposer des contrats léonins d’abandon complet de leurs droits d’auteur sur l’utilisation future des clichés. D’autres, photographes de collectivité par exemple, se voient inviter fermement à accepter la reprise de leur travail au profit d’une entreprise de presse, sans rémunération, au prétexte qu’ils sont déjà salariés dans la collectivité en question…
Le Club - c’est sa vocation - restera bien sûr attentif à toutes ces évolutions. Lieu d’échanges, de réflexion et de débats, il s’ouvre régulièrement aux thématiques liées aux métiers de la presse et de la communication (3). Même la crise de la presse nationale trouve un écho particulier dans notre région. Le dossier du redressement de France Soir vient en effet d’être délocalisé du tribunal de commerce de Bobigny à celui de Lille. Au grand étonnement des salariés d’ailleurs. S’ils s’attendaient bien à un « dépaysement » (pour des raisons expliquées dans notre article sur France Soir), ils pensaient que cela se ferait en région parisienne…
Ludovic FINEZ
(1) Ce décompte a été arrêté au 31 décembre dernier. Le Club compte aujourd’hui plus de 500 membres. Par comparaison, il en comptait 400 en 2003.
(2) www.betancourt.info
On y trouve notamment les coordonnées des représentants du Comité de soutien régional.
(3) A la rentrée dernière, un Club emploi communicants s’est créé sur le modèle du Club emploi journalistes. Celui-ci, sauf exception, se réunit le dernier lundi du mois à 18 h. Le Club emploi journalistes, pour sa part, se réunit le premier lundi. Programme complet dans notre rubrique « Agenda ».