Le code du travail et la convention collective considèrent en qualité de « journaliste », « toute personne qui exerce la profession de journaliste à titre principal ».
Les deux invités étaient d’accord pour expliquer que « la pige » s’entend comme un mode de rémunération. « Elle est calculée selon l’importance de la production, de la tâche et non au temps. Elle est due dès lors que le travail a été commandé et accepté, peu importe si son résultat est publié ou non », précise Maitre Nitkowski. Ce mode de rémunération ne prive pas un pigiste de la qualité de journaliste professionnel, dès lors que le journalisme est son occupation principale et régulière.
Le pigiste doit pouvoir bénéficier des droits liés au statut « de journaliste professionnel » du fait qu’il tire l’essentiel de ses ressources de la profession de journaliste comme le prévoit la loi Cressard du 4 juillet 1974.
Selon Bertrand Buissière, le journaliste pigiste doit être payer en salaire ce qui lui permettra de bénéficier des mêmes avantages (le droit à la formation, congés payés, treizième mois, ancienneté...) que ses consœurs et confrères intégrés à une rédaction. Il rappelle qu’il existe des titres de presse qui imposent aux journalistes de se déclarer en tant que « auto-entrepreneur » ce qui leur permet une rémunération sur facture ou en droits d’auteurs. Une situation qui met les personnes, acceptant ces conditions, dans la précarité et leur fait perdre leurs droits liés au statut de journaliste.
Requalification du contrat de pigiste
Pour le délégué syndical de la SNJ, « Il existe des organes de presse qui respectent de moins en moins les droits des journalistes pigistes, en essayant de déroger au corpus de la convention collective ». Me Octave Nitkowski explique que le pigiste qui travaille régulièrement avec une rédaction peut se rapprocher de son employeur et opter pour « la requalification de sa collaboration en contrat de travail indéterminé à hauteur de son salaire mensuel ». Pour prétendre à cette requalification, le journaliste pigiste doit démontrer une fréquence de collaboration et un lien de subordination existant.
La commande écrite avec des consignes précises du média pourrait servir de preuve de l’existence de ce lien pour le journaliste. Cela peut se faire par mail. « Contrairement au pigiste qui fait des propositions de sujets qui peuvent l’intéresser, si l’employeur demande des reportages sur une thématique ou une spécialisation récurrente, il ne s’agit plus d’une pige et le lien de subordination est avéré », souligne Me Nitkowski.
Il rajoute que globalement, la jurisprudence retient qu’il existe un lien de subordination, et donc un contrat de travail, quand :
le journaliste reçoit des directives et doit envoyer tous les jours de la semaine un texte, pour lequel il est rémunéré de manière fixe
le photographe fournit des clichés pour illustrer l’actualité, dès lors qu’on lui pose des impératifs de mise en page et d’adéquation avec le contenu de l’article
le reporter rédige des articles à l’année sur des thèmes soumis à l’appréciation de l’agence avec laquelle il collabore.
quand l’employeur donne son avis sur les autres collaborations du pigiste.
Les particularités du CDD d’usage
Selon Me Nitkowski, ce type de contrat est plus fréquent dans le secteur de l’audiovisuel. Il n’est soumis à aucune durée maximale et n’y a aucun délai de carence à respecter entre deux CDD d’usage. Un employeur peut avoir recours à un CDDU pour un emploi non lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, pour un emploi d’artiste-interprète, d’artiste-musicien, ou d’un emploi des catégories B et C de la convention collective de la production audiovisuelle, soit notamment les fonctions de directeur de production, directeur de post-production, etc.
Attention alerte l’avocat, au terme du CDD d’usage le journaliste n’aura droit à aucune indemnité de fin de contrat. Le CDD d’usage peut prendre fin de différentes manières : à l’échéance normale ou lorsque l’objet pour lequel il a été conclu est réalisé ou bien de manière anticipée en cas de faute grave du salarié.
L’analyse de la jurisprudence montre que les juges accordent une importance particulière au caractère pérenne de l’émission ou de la production audiovisuelle pour laquelle le salarié a été engagé pour déterminer notamment si la fonction occupée par ce dernier est temporaire ou relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise
« Les juges ont requalifié les CDDU successifs en CDI, eu égard au caractère pérenne de l’émission dans différentes situations « souligne Me Octave Nitkowski.
Les droits d’auteurs du journaliste
Les journalistes permanents ou pigistes peuvent également percevoir des droits d’auteur et des droits voisins dès lors que leurs articles, photos ou vidéo, ont fait l’objet d’un second usage. Selon Me Octave Nitkowski, « Tout autre usage de l’œuvre du journaliste doit faire l’objet d’un contrat de droits d’auteur entre ce dernier et l’organe de presse, avec une demande au préalable de publication ». Les deux experts ont précisé que les organes de presse doivent respecter le droit moral du journaliste lorsque ses productions sont diffusées dans une publication autre que celle à laquelle elles étaient destinées.
La Commission arbitrale des journalistes (CAJ)
Les journalistes peuvent être confrontés à une rupture de contrat ou à un licenciement dans le cadre de leur travail. Dans ces cas de figure, Bertrand Bussière rappelle que les journalistes peuvent saisir la Commission arbitrale des journalistes (CAJ). Il s’agit d’une commission composée d’une partie salariale et d’une partie patronale qui s’occupe des situations de licenciement des journalistes pigistes notamment, ceux qui ont plus de 15 ans d’ancienneté. Cette commission statut sur les indemnités de licenciement que le journaliste doit percevoir.
Les intervenants ont déploré le manque d’information de certains journalistes indépendants de leurs droits, et par conséquence de se retrouver souvent dans des situations de précarité. Ils estiment que c’est la mission des instituts de formation en journalisme.
Pour Bertrand Bussière, les syndicats doivent aussi s’ouvrir davantage aux journalistes pour leur faire connaître les droits ainsi que les devoirs liés à leur statut.