Deux places de gagnées, pas vraiment de quoi se réjouir lorsque l’on sait que la France, pays des droits de l’homme, pointe toujours assez loin des meilleurs élèves européens. Les pionniers dans la matière sont scandinaves, et le premier pays, la Norvège, récolte sur ce classement 18 points de plus que la France. Pour Christophe Deloire, le secrétaire général de l’ONG RSF, ce « petit gain » est dû au fait que « la situation se dégrade ailleurs », et non pas à un progrès français, rapporte Le Monde.
Concrètement, dans ce classement 2023, la France a progressé de 0,19 points, passant de 78,53 en 2022 à 78,72. Voilà ce qu’il faut retenir pour l’hexagone pour ce classement, publié symboliquement le 3 mai, date de la journée mondiale de la liberté de la presse.
Les effets de la désinformation, point majeur de l’étude
Reporters sans frontières s’alarme cette année encore sur la désinformation au sens large, qui demeure une menace première pour la liberté de la presse. Elle se traduit bien souvent par la propagande politique, des manipulations économiques ou encore de faux contenus générés par l’intelligence artificielle. Par ailleurs, les conditions d’exercice du journalisme seraient mauvaises dans près de sept pays sur dix dans le monde. Le classement de cette année « met en lumière les effets fulgurants de l’industrie du simulacre dans l’écosystème numérique », explique Christophe Deloire dans l’article du journal Le Monde.
Les dirigeants de plates-formes numériques, qui se « moquent de distribuer de fausses informations », en particulier Elon Musk, le patron de Twitter, sont également mis en cause par Christophe Deloire. Les réseaux sociaux sont les plus touchés par ce phénomène, car ils peuvent être alimentés par tout le monde. L’exemple de Midjourney, une intelligence artificielle capable de générer de fausses images, et pouvant induire en erreurs les utilisateurs avec des mises en scène totalement factices.
On pourrait par ailleurs parler de sociétés spécialisées, engagées par des gouvernements ou des entreprises afin de manipuler l’opinion publique. En général, le danger réside dans le fait que « l’information fiable est noyée sous un déluge de désinformation », et le public peine de plus en plus à discerner « le réel et l’artificiel, le vrai et le faux » déplore Christophe Deloire.
L’Europe demeure l’exemple à suivre
Bien que le devant du classement n’ait pas beaucoup évolué cette année, des phénomènes de baisses ou de remontées importantes sont à constater. Ainsi, des chutes considérables s’observent : le Pérou, qui perd 33 places et se retrouve 110e, tout comme au Sénégal, qui descend à la 104e position après en avoir perdu trente-et-une, mais également l’Haïti ou la Tunisie, qui perdent 29 et 37 places, et qui reculent respectivement au 99e et au 121e rang.
A contrario, le Brésil remonte de dix-huit places et se place 92e du classement de RSF, après le départ du président d’« extrême droite » Jair Bolsonaro, qui a perdu les élections présidentielles fin octobre face à Lula.
Enfin, si l’on s’intéresse au classement par région, la région Maghreb – Moyen-Orient reste la zone géographique où la situation est la plus préoccupante, au sujet de la liberté d’exercer le métier de journaliste. La situation est considérée comme « très grave » dans plus de la moitié des pays. Le score très bas dans les pays comme la Syrie (175e), le Yémen (168e), ou l’Irak (167e), « dû en particulier au nombre important de journalistes disparus ou pris en otage », selon RSF. Toutefois, les trois derniers pays du classement, le Vietnam, la Chine et, la Corée du Nord sont des pays asiatiques.
L’Europe reste quant à elle le continent où exercer la profession de journaliste est le plus facile. La Norvège notamment, en tête depuis quelques années, dispose d’un paysage médiatique et d’une liberté de la presse exemplaire, à l’instar des autres pays scandinaves. Toutefois, une césure est constatée en Europe, avec des pays où la situation reste difficile, comme la Hongrie, ou plus récemment encore avec la Grèce, où « la surveillance des journalistes grecs par le logiciel espion Predator et par les services secrets qui constitue l’atteinte la plus grave à la liberté de la presse dans l’UE ».