Revue de presse du 07 mai 2012

L’élection présidentielle dans la presse régionale

Les résultats détaillés pour notre région, de nombreux reportages dans les communes et à Paris, d’abondantes analyses…. Chacun des deux quotidiens régionaux, ce lundi 7 mai, fournit une trentaine de pages sur l’élection présidentielle.

« François II l’héritier ». Pour sa Une, la Voix du Nord insiste sur la qualité de second président socialiste de la Vème République. Dans son éditorial, Jean-Michel Bretonnier s’interroge sur le sens de ce vote. « Deux France ?  » pose-t-il dans son titre. Pour lui, « la victoire est nette sans être écrasante. (…) Mais on peut constater que le rapport droite-gauche est encore une fois équilibré. » Ainsi, analyse le rédacteur en chef de La Voix, « Cette dualité démocratique ne dessine pas deux France, mais les deux faces complémentaires d’un même pays : une sensibilité de droite qui croit d’abord à la liberté et à la responsabilité ; une sensibilité de gauche, qui met en avant l’égalité et la solidarité ».

Il n’empêche, poursuit J.M Bretonnier, « cette opposition républicaine peut en cacher une autre, plus irréductible, entre deux France. Une qui ne méconnaît pas les difficultés, mais qui croit en son avenir ; une qui ne reconnaît plus le monde tel qu’il va et qui ne trouve plus sa place dans son pays. Certains de ces « exclus » ont voté Nicolas Sarkozy, d’autres François Hollande  ». Il reste donc au nouveau président de «  réconcilier les deux France, celle qui croit en ses chances et celle qui n’y croit plus  ».

Quatre erreurs, quatre piliers

Si la Une de Nord Eclair montre, comme son confrère, l’image d’un président sobre, souriant et gentil, le titre (5 colonnes au lieu de 3 pour La Voix) est à la fois plus simple, plus direct, plus puissant : « Le Président ». L’éditorial, signé Patrick Pépin, souligne que « La réussite et l’échec (de l’élu et du président sortant) signent l’opposition de deux tempéraments » et de « deux clientèles politiques irrémédiablement antagoniques ».

L’éditorialiste de Nord Eclair liste quatre erreurs pour expliquer l’échec de Nicolas Sarkozy :
- « Avoir sous-estimé les effets de la crise » ;
- « Avoir sous-évalué la qualité du challenger socialiste (celui qui, fraîchement diplômé de l’ENA, allait défier Chirac dans sa Corrèze) » ;
- Ne pas avoir mesuré à sa juste mesure le rejet que suscitait dans l’opinion, non pas tant l’orientation politique de Nicolas Sarkozy, mais sa personne »
- N’avoir pas jugé la qualité politique du peuple français à sa bonne aune  ». Autrement, dit, avoir sous-estimé le « désir d’alternance » des Français.

A ces quatre erreurs, Patrick Pépin oppose « quatre piliers » sur lesquels reposent selon-lui, la victoire de François Hollande. Il liste ainsi la « légitimité solide » que lui ont donnée les primaires, « la constance dans le discours et l’argumentaire », un tempérament qui fait davantage « ressembler le nouveau président à Pierre Mendès France qu’à François Mitterrand ». Le quatrième pilier : « ses convictions politiques qui l’autorisent à parler à un public plus large que celui traditionnel de la gauche. » Ce qui fait dire à l’auteur : « François Hollande est un vrai social-démocrate, europhile de surcroît ».

A part cela, Dominique Serra, pour La Voix du Nord, analyse le score nordiste du vainqueur (53%) et observe que « les Nordistes ont retrouvé (…) l’ancrage d’une région plus à gauche que la moyenne nationale  ». Sur les 21 circonscriptions nordistes, 13 sont à colorier en rose, écrit-il en soulignant que « le candidat socialiste à su séduire une part non négligeable de l’électorat de François Bayrou ». Dans le Pas-de-Calais, surenchérit pour sa part Marco Verriest, François Hollande fait le grand écart grâce à un bon report des voix de gauche. Il affiche en effet « un 56,18%, reléguant le président sortant à 43,82% ». Cinq ans plus tôt, Ségolène Royal avait réalisé 52,04% dans ce département. Marco Verriest souligne également que François Hollande « s’impose nettement à Hénin-Beaumont (57,85%) et parvient à renverser la tendance du premier tour à Berck et Saint Pol-sur-Ternoise ». Pour ce qui concerne Hénin-Beaumont, Gaëlle Caron, de Nord Eclair, remarque « un vote blanc qui en dit long pour le FN ».

L’euphorie de mai 81 a « mûri »

Nord Eclair, sous la plume de Florence Traullé, parle du « sourire retrouvé de la gauche dans la région  ». Charles Montmaison, en page « Métropole », était dimanche soir sur la Grand-Place de Lille où plus d’un millier de personnes fêtaient la victoire de François Hollande. Une scène de concert y avait été installée « pour ce qui devait, selon plusieurs, être un nouveau « mai 81 ».  » Erreur. Un participant explique : « J’étais là le 10 mai 1981, et il n’y avait pas le même souffle. A l’époque, la place était pleine à craquer, les voitures ne circulaient plus ». Dimanche soir, écrit Charles Montmaison, «  la foule est certes compacte, mais s’arrête au niveau de la fontaine centrale ».

Même constat général pour La Voix du Nord. « Ce ne fut pas mai 1981, écrit Laurent Decotte. « Dans la région, des klaxons, mais pas de fête dans les rues d’Arras, Dunkerque, Boulogne ou Lens ». Claire Lefebvre était quant à elle au siège de la fédération du PS, à Lille, où les militants se sont réunis à 20 h et où ils ont clamé leur joie et poussé « un hourra arrosé de champagne. » « Gilles Pargneaux, patron du PS du Nord, évoque mai 81 », écrit la journaliste de La Voix. « Mais l’euphorie a « mûri », pas seulement parce que le résultat a été éventé avant l’heure. « On vit une période de crise, la responsabilité est lourde. On a de l’espoir mais on n’a pas signé un blanc-seing », disent les syndicalistes  ».

Un gouffre

Les photos montrant des visages réjouis ne peuvent faire oublier les mines dépitées et les larmes des autres. Christophe Caron (La Voix du Nord) s’est rendu au siège de la fédération nordiste de l’UMP, à Lille où la dispersion des troupes a été ordonnée peu après 21 heures. Il évoque la déception des Jeunes Populaires qui, même s’ils connaissaient les résultats avant 20 heures « avaient quand même les yeux rivés sur l’écran à l’heure fatidique. Et c’est même une ou deux secondes de silence absolu qui ont suivi le verdict », rapporte-t-il. « Comme un ultime sentiment d’incrédulité. »

Dans Nord Eclair, Sébastien Leroy et Florence Traullé proposent une page de reportage sur ces « Gens qui rient et gens qui pleurent… ». Avec deux photos montrant clairement le gouffre entre les uns et les autres : les militants qui explosent de joie au QG socialiste, et, à quelques centaines de mètres, à la fédération UMP, les jeunes Populaires « dont certains n’ont pu retenir leurs larmes. »

Le mort qui vote

On ne résistera pas, pour finir à la relation de ce « couac » rapporté par Céline Bardy, dans La Voix du Nord. Il s’agit de cet habitant de Calonne-Ricouard, près de Bruay-La Buissière, qui a failli ne pas pouvoir voter au second tour. Après l’avoir fait attendre, les responsables du bureau de vote lui ont déclaré : « Pour nous, vous êtes décédé ». Heureusement, raconte l’intéressé, un juge d’instance « m’a fait un papier et m’a donné l’autorisation. Mais ça m’a pris trois ou quatre heures de voter ! J’ai fait 50 kilomètres aller-retour ! ».

Et s’il s’était présenté peu avant la fermeture du bureau de vote ? C’est précisément ce qu’il avait fait deux semaines plus tôt. Il était 18h05 et il croyait que les bureaux fermaient à 20 heures. Trop tard pour le premier tour… Et la journaliste conclut, malicieuse : « Si l’on osait, on dirait qu’il s’était laissé vivre. »

Philippe ALLIENNE


 

 

 

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