Commençons par balayer devant notre portail. Non pas le virtuel mais néanmoins accessible à la planète entière. Il est question ici du portail — fait d’un bois solide — qui ouvre sur le siège du Club de la presse, dans le très beau Vieux Lille. Depuis plusieurs semaines, une affiche appelant au soutien d’Hervé et de Stéphane flottait au-dessus de cette majestueuse entrée. Elle flottait mollement et, au gré de la météo souvent capricieuse, claquait au vent en agitant les pauvres ficelles qui la retenaient. Comme pour un rappel impétueux à la sensibilité du concitoyen de la situation périlleuse des otages.
Mais Hermès a peu à faire avec les caprices d’Eole. Les contraintes commerciales des locataires du Vieux Lille s’accommodent peu des agitations libertaires d’une affiche mobilisatrice, si modeste soit-elle. Pour ne pas déranger les activités économiques environnantes, la banderole sera déplacée de quelques centimètres et s’affichera dans un esthétisme plus académique.
Le corporatisme : un faux problème
L’anecdote serait risible et dérisoire si n’était le contexte. A l’époque où Christian Chesnot, Georges Malbrunot, Giulina Scgregna, étaient otages en Irak, la mobilisation pour leur soutien ne posait aucun problème. Aujourd’hui, la tiédeur est de rigueur. Et les quelques médias qui rappellent la captivité de Ghesquière et Taponier rencontrent des critiques.
L’une des premières à s’en inquiéter est Florence Aubenas elle-même. Lorsqu’elle était otage en Irak, le soutien à son égard a été sans limite. Cela ne lui pas été inutile et elle le dit. Des voix, durant son incarcération, se sont-elle élevées contre une prétendue exagération de la mobilisation de la médiatisation autour d’elle ? A-t-on reproché aux journalistes de sombrer dans le corporatisme alors que d’autres otages — non journalistes — attendaient leur libération ? Evidemment oui. Le Club de la presse lui-même a entendu ces reproches.
Florence Aubenas a-elle entendu ces critiques du fond de la pièce sombre où elle était enchaînée ? « NON », assure-t-elle. Mais, ajoute aussitôt notre consœur, « imaginez un instant que les propos de Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, et du général Georgelin dénonçant « l’imprudence » d’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier aient été entendus par ces derniers, imaginez qu’ils aient entendu les propos quant au coup que représente leur libération : voilà qui, de toute évidence, n’est pas de nature à les aider ».
Pour ce qui concerne un prétendu corporatisme de la profession, un otage est un otage. Point. L’heure n’est pas à choisir entre les uns et les autres. Florence Aubenas en sait quelque chose. Son témoignage et son soutien sont précieux. Il importe de rester mobiliser. Il importe que les médias ne fassent pas l’économie d’une solidarité active. Les familles d’Hervé et de Stéphane viennent de leur demander de parler d’eux chaque jour (et non une fois par semaine). Entendons-les.
Philippe Allienne
Photos : Gérard Rouy
Une affiche pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier