« Depuis six mois, Hervé et Stéphane sont otages en Afghanistan. Réagissons ! ». Ce mardi 29 juin, le quotidien gratuit Direct Lille publiait une publicité pleine page (en dernière) de Reporters sans frontières. Cette publicité était une des rares manifestations de soutien de la presse à leurs deux confrères.
A l’approche de la période des vacances, on ne peut que craindre un endormissement total de la mobilisation. Si à Paris, l’association RSF parvient à mobiliser, grâce notamment au comité de soutien et à sa marraine Florence Aubenas, les choses semblent beaucoup plus compliquées dans les régions. « Nos actions manquent de coordination », déplore Agnés Maurin, directrice du Club de la presse du Languedoc Roussillon. Pour les six mois de détention des otages, ce club a organisé une « flashmob » qui, dans le centre de Montpellier, a réuni 150 à 200 personnes.
Mobilisations trop timides
A Lille, la manifestation silencieuse à laquelle avait appelé le Club de la presse du Nord – Pas de Calais, a fait un superbe flop. Elle a surtout permis de constater que peu de personnes sont au courant de l’existence des otages. De fait, nous n’avons que très peu de nouvelles des deux journalistes et de leurs accompagnateurs Mohamed Reza, Ghulan et Satar. Le dernier « signe de vie » remonte à la vidéo diffusée par France 3 début avril.
Dans les villes, les affiches et banderoles de soutien sont encore très rares. « A Montpellier, nous avons dû nous battre pour que la banderole reste accrochée jusqu’à la libération des otages », explique Agnès Maurin. A Lille, celle qui a avait été posée place de Gaulle a rapidement été décrochée pour être rapatriée sur la façade du club, dans le vieux Lille.
Les médias ne sont en reste. La direction de France 3, l’employeur de Stéphane et Hervé, refuse toujours d’afficher un décompte quotidien des jours de détention. TV5 est la seule chaîne qui vient de décider de mettre ce décompte en route, dans le journal de 18 heures. Les politiques sont tout autant discrets. Rare exception, ce 30 juin, le député-maire de Marcq-en-Baroeul, Bernard Gérard, a demandé des nouvelles des otages au président Sarkozy, lors d’une réception des députés UMP à l’Elysée. Le président a brièvement répondu en affirmant que « les conversations ont repris avec des négociateurs. »
Les conséquences d’un silence imposé
A l’évidence, les directives de l’Elysée appelant à la discrétion, en début d’année, ont produit des effets bien au-delà des espérances des autorités et du plus haut niveau de l’Etat. Les petites phrases assassines de Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, du général Georgelin et du président Sarkozy lui-même, ont fait le reste. Les otages "coûtent cher à la nation", ils seraient de surcroît "irresponsables" !
Tout semble avoir été fait pour rendre Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier impopulaires. Rien à voir avec l’engouement du public pour soutenir notre consœur Florence Aubenas, lorsqu’elle a été retenue en Irak durant 157 jours. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, son journal, Libération, n’avait pas ménagé ses efforts pour la soutenir et sensibiliser l’opinion publique. Il avait travaillé en coordination avezc Reporters sans frontières et le comité de soutien de la journaliste. On avait constaté le même enthousiasme, quelque mois plus tôt, pour manifester en faveur de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, libérés après 124 jours.
Rembourser les dépenses engagées ?
Mais les attaques du pouvoir à propos du « coût » des otages trouvent un rebondissement cynique avec le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’Etat. Ce projet sera discuté ce 5 juillet à l’Assemblée nationale. Adopté le 22 février par le Sénat, il prévoit, dans son article 13, que l’Etat pourrait exiger le remboursement « de tout ou partie des dépenses engagées » pour secourir « les Français à l’étranger s’étant délibérément exposés à un risque ». Certes, il introduit une notion de « motif légitime » et Bernard Kouchner a assuré que les journalistes et les humanitaires ne sauraient être concernés par ce texte. Rien pourtant n’est écrit en ce sens et l’exception du « motif légitime » apparaît très floue.
Le texte sera discuté à l’Assemblée nationale en « procédure accélérée », interdisant ainsi une seconde lecture. Depuis février, le plus grand silence entoure ce projet. Plus que jamais, il est temps de réagir. Dans quelques jours, le Club de la presse appellera à) nouveau à la mobilisation pour Hervé Ghesquière, Stéphane Taponier, Mohamed Reza, Ghulan et Satar.
Philippe Allienne
photos & vidéo : Gérard Rouy
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