On va les chercher !

Cela évoque une réplique de série B. Un polar pour TV qui gère les temps de cerveau disponibles. Plan américain sur le personnage principal : le flic quinqua au caractère bien trempé (dans le whisky), traits burinés par le temps et pataugas dans la glaise (ça, on le devine parce que c’est un plan américain). Il sait que le vilain truand, en principe intouchable, joue tranquillement une partie de poker menteur à deux ou trois bars de là. Il s’adresse au second rôle, un jeunot beau et sportif qui plaît aux filles et qui a tout lu du code de déontologie. Son adjoint. « Allez le chercher ! » lui lance-t-il en lui balançant à la figure une bouffée fumeuse d’un faux Havane (en fait un vrai dominicain 100 % tobacco).

Fin provisoire de la fiction. Retour à la réalité. Crue.

En politique, où l’on pleure désormais son chien plus sincèrement qu’un peuple déversé au tri sélectif de nos frontières et de nos consciences, nos dirigeants se shootent à la fiction et la métamorphosent en réalité. Oui, internaute interloqué, tu as raison : c’est kafkaïen. C’est kafkaïen, mais cela se résout grâce à une science infaillible : la communication.

Tout va bien… Zorro est arrivé

Ainsi, lorsque Ingrid Betancourt était encore otage des Farc, en Colombie, le président Sarkozy s’était déclaré prêt à aller la chercher lui-même. C’est simple : on prépare sa valise, on n’oublie pas son colt, et on saute dans le premier avion. Durée totale de l’opération : 15 à 20 minutes. Guère plus, sinon on est coupé par le spot publicitaire.

Aujourd’hui, c’est Bernard Kouchner, docteur ès humanitaire, qui pense à démissionner du gouvernement mais qui a d’autres chats à fouetter. Il s’imagine aller sauver Sakineh Ashtiani de ses bourreaux iraniens. Un « cas personnel », se défend le nouveau Zorro. C’est ça, la politique, aujourd’hui. D’accord, mais qui va s’occuper de Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, en Afghanistan ? Pas d’inquiétude, « on » s’en occupe. Aux dernières nouvelles, ils vont bien, ils sont « en bonne santé » et les négociations pour les ramener sont en cours. D’ailleurs, elles viennent de reprendre. Ah bon ! Encore ?! A dire vrai, il faudrait se demander si les négociations pour leur libération n’ont pas démarré avant même qu’ils partent en reportage, voici environ 10 mois…

Parler pour les sauver

Nos confrères de France 3 sont en bonne santé, nous assurent les autorités. Non pas « seraient », mais « sont » en bonne santé. Comme quoi les négociations sont réelles et que le dialogue avec les talibans ne relève pas du pipeau. On se souvient en passant que, quelques secondes avant qu’il soit décapité, l’otage Daniel Pearl était aussi en bonne santé.

Décidément, avant de devenir otage, mieux vaut être vecteur d’une communication rentable pour un pouvoir en manque de reconnaissance. Michel Germaneau, dont on n’a pratiquement rien su de sa détention, l’a payé de sa vie. Salah Hamouri se languit dans l’indifférence générale dans les geôles israéliennes, le journaliste Mumia Abu-Jamal se meurt dans le couloir de la mort depuis trois décennies.

Florence Aubenas a raison : « Parler de Stéphane et Hervé, c’est contribuer à les sauver ». Alors, parlons. C’est notre boulot, après tout. Mais restons mobilisés et… résolument sceptiques face aux déclarations officielles.

Philippe Allienne

Déploiement de portraits et envol de ballons pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier(16 juillet 2010)
Wasquehal affiche son soutien à Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier - Manif à Lille le 15 Juillet(09 juillet 2010)
Mobilisation pour Ghesquière et Taponier : l’indifférence ? (01 juillet 2010)
Et si Taponier et Ghesquière entendaient tout ce que l’on dit à leur propos ? (18 juin 2010)
Une affiche pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier (21 mai 2010)
Les Clubs de la Presse solidaires de Stéphane et Hervé, journalistes otages en Afghanistan (19 mars 2010)


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE